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Séparation des parents : quelle résidence pour l'enfant en bas âge ?

Le 04 janvier 2022

Arrêt rendu par Cour d'appel de Montpellier - 2ème chambre de la famille - 09-09-2021

Par jugement rendu le 27 août 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Carcassonne a débouté le père de sa demande tendant à voir fixer chez lui la résidence de ses deux enfants, nés en 2017 et 2019. Sa demande subsidiaire de résidence alternée a également été rejetée, de sorte que la résidence habituelle des enfants a été fixée chez la mère. Le droit de visite et d'hébergement du père a été fixé comme suit : une fin de semaine sur deux, l'intégralité des vacances de la Toussaint et de printemps et la moitié des autres vacances scolaires.

Le père a relevé appel de cette décision. L'arrêt confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions concernant la résidence des enfants et le droit de visite et d'hébergement du père :

« Les enfants sont très jeunes pour être âgés de 4 et 2 ans et leur besoin de maternage est encore très important ».

« Eu égard principalement à l'âge des enfants et à leur besoin de maternage, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la résidence des enfants au domicile maternel »

Le présent arrêt démontre que le jeune âge de l'enfant peut conduire les juges à privilégier la résidence de l'enfant chez la mère. L'arrêt se fonde « principalement » sur « l'âge des enfants et leur besoin de maternage », même si d'autres éléments semblent pris en compte par la cour.

En effet, cette dernière mentionne que le père a été condamné à deux reprises pour des faits de violence sur concubin et qu'il fait l'objet d'un suivi psychiatrique (ces éléments négatifs ont probablement influé sur la décision de la cour, même s'ils n'apparaissent pas explicitement comme des motifs de l'arrêt).

Un arrêt récent d'une autre cour d'appel s'inscrit dans cette logique en retenant que « D... aujourd'hui est âgé de 2 ans. C'est un tout petit enfant qui a encore besoin de maternage et d'une figure parentale repère » (Dijon, 27 mai 2021, RG n° 20/00501).

Le terme « maternage » a pu aussi être invoqué pour un enfant de 4 ans : « il est incontestable qu'elle a encore besoin de maternage, de tisser un lien suffisant avec sa mère » (Caen, 7 janv. 2021, RG n° 19/03287).

D'autres juridictions motivent davantage leurs décisions en ajoutant à la question du maternage des considérations liées aux besoins de stabilité de l'enfant.

Ainsi, la cour d'appel de Versailles a jugé que « l'enfant doit être capable de supporter le rythme de l'alternance et que l'enfant en bas âge a besoin de maternage. [...] Les rythmes de l'alternance sont inappropriés pour C... et A..., âgés de 4 ans et demi et d'un an et demi, qui développent actuellement leur sociabilité et leurs apprentissages et qui ont un besoin impératif de stabilité, de repères spatio-temporels fixes et de conserver leurs habitudes routinières. Du fait de leur jeune âge, ils ont besoin d'un lieu de vie stable et ne doivent pas être éloignés de leur figure principale d'attachement » (Versailles, 27 juin 2019, RG n° 19/01629).

Jusqu'à quel âge un enfant a-t-il besoin de maternage ? Un enfant de moins de 3 ans a-t-il la capacité émotionnelle de « subir » une résidence alternée ? Quid entre 3 et 6 ans ? Les avantages qu'il peut en retirer sur le plan affectif sont-ils contrebalancés par les inconvénients liés à l'instabilité de ses repères et à la discontinuité des lieux de vie ?

Ces sujets sont particulièrement débattus par les professionnels de l'enfance. Cependant, il n'existe, pour le moment, aucun consensus scientifique. 

Face à cette absence de consensus et d'outils précis, le juge aux affaires familiales demeure hésitant. Si certaines décisions semblent clairement privilégier la mère en présence d'enfants en bas âge, d'autres n'en font pas un critère a priori du choix de la résidence.

De ce point de vue, on peut citer un arrêt intéressant rendu récemment par la cour d'appel de Bordeaux : « Si l'appelante en appelle à diverses études ayant pu être rendues sur les bienfaits ou inconvénients de la résidence alternée, c'est avec pertinence que le premier juge, par des motifs que la cour fait siens, a souligné les prises de positions divergentes qui abondent la littérature sur ce sujet, laquelle ne saurait tenir lieu de loi alors même que le code civil ne fixe aucune condition d'âge pour ce choix de prise en charge, qui ne peut reposer que sur l'intérêt de l'enfant » (Bordeaux, 18 mai 2021, RG n° 20/03270).

Dans le même sens, la cour d'appel de Chambéry a pu affirmer en 2017 que « l'âge de l'enfant n'est pas un critère décisif du choix de la résidence. En effet, ce critère reviendrait à refuser systématiquement un mode de résidence alternée pour de jeunes enfants et à attribuer ipso facto la résidence à la mère. Or, le bien-fondé de l'automaticité d'un tel choix est loin d'être démontré, et ne fait pas l'unanimité des écoles de pensée psychologiques » (Chambéry, 3e ch., 23 janv. 2017, RG n° 16/01361 ).

Citons également la cour d'appel d'Aix-en-Provence : « le jeune âge de l'enfant, aujourd'hui 3 ans, ne peut à lui seul constituer un obstacle à une résidence en alternance » (Aix-en-Provence, 6e ch., sect. A, 27 févr. 2007, Juris-Data n° 2007-342859).

Ce qui doit donc prévaloir c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qu'il appartient à chacune des parties de démontrer pour que le juge puisse trancher in concreto.

Un constat s'impose : le critère de l'âge ne semble pas être apprécié de manière uniforme par toutes les juridictions lorsqu'elles statuent sur la résidence de l'enfant.

Lorsque les conditions sont réunies (proximité géographique, conditions d'accueil satisfaisantes des enfants, disponibilité suffisante de chaque parent...), il est possible de mettre en place une résidence alternée selon un rythme qui sera adapté à chaque situation familiale.

Si les conditions de la résidence alternée ne sont pas satisfaites, il est possible d'envisager un droit de visite élargi, par exemple en accordant au père la totalité de certaines vacances scolaires.

Toutes les formules sont possibles dès lors que les parents dépassent le conflit conjugal et engagent des discussions constructives, guidées par le seul intérêt de l'enfant.